Vélodrome : Problème de coût ou principes auxquels tordre le cou ?

Ville de Marseille et Olympique de Marseille se chamaillent donc par médias interposés sur le sujet du contrat de location du Stade Vélodrome. Le loyer fixé unilatéralement par la Ville, soit 381.000 € par match, ne serait pas compatible avec le modèle économique mis en œuvre par l’OM.

Notre propos ici ne sera pas de fixer qui a raison ou qui a tort. Mais plutôt de recentrer le débat sur ce qui l’a fait naitre, soit les conditions de conclusion du contrat de PPP (Partenariat Public Privé) qui a régi la rénovation de l’enceinte du Boulevard Michelet.

Tous ceux qui poussent la réflexion au-delà de considérations partisanes ou de supporters en viendront à s’étonner de ce que, depuis le 21 juin 2010, date d’attribution du marché à Bouygues et Arema sa filiale exploitation, les conditions d’intégration du club résident et utilisateur quasi unique au nouveau stade n’aient pas été calées. Et que donc elles ne le soient pas encore moins d’un mois avant l’inauguration du stade.

Comment est-ce que les promoteurs de ce projet, pourtant pas nés de la dernière pluie, ont ainsi pu ignorer si longtemps le point de vue de leur SEUL client potentiel, en dehors de quelques hypothétiques concerts ou de quelques rencontres du RCT (pour lesquelles on apprend d’ailleurs que le loyer aurait été fixé à 120.000 € ?!) ? Personne ne pourra croire qu’il s’agit d’un oubli. Et chacun concluera donc qu’il s’est agi d’une stratégie. Stratégie par laquelle les BTP-istes, soucieux de préserver l’exclusivité de négociations avec le financeur, les collectivités locales, s’attachent à tenir l’utilisateur final en dehors des discussions. Pour se préserver la possibilité de nourrir tous les fantasmes quant aux capacités de remboursement des dits utilisateurs ?

« Ne vous inquiétez pas, Monsieur le Maire, le Club va payer ! ».

Porteur d’un projet d’initiative privée dans le contexte de l’Arena de Villeurbanne-Lyon, j’ai pu mesurer combien nos interlocuteurs constructeurs vivaient mal que nous ayions prétendu nous intercaler entre eux et les pouvoirs publics. Au point de pratiquer un lobby destructeur auprés de ceux-ci ? Qui sait ?

Par ailleurs, dans le cadre de discussions amicales menées avec les dirigeants du BCM Gravelines relatives à leur entrée dans la pressentie future arena de Dunkerque, j’avais découvert avec effroi que les hypothèses posées par Vinci Stadium, exploitant associé au projet, menaient le BCM vers une situation financière plus défavorables que s’il restait au Sportica.

Enfin, alertés bien après par l’imminence du lancement d’un appel d’offre pour l’étude préalable relative au projet de construction d’une Arena sur la métropole marseillaise, je me suis présenté aux services compétents de la Ville de Marseille pour leur faire savoir que j’étais disponible pour leur faire rencontrer des acteurs internationaux respectables et respectés de l’exploitation des Arenas. Une valeur ajoutée (AddedValue), pensais-je naïvement à ce moment-là, dés lors qu’aucun acteur français ne peut se prévaloir d’une quelconque compétence en terme d’exploitation d’arena multi-fonctionnelle dés lors qu’en dehors de Bercy il n’en existe pas. Et quelle fut ma surprise de m’entendre dire qu’il convenait que je me tienne à l’écart de la question compte tenu de ma proximité avec le Club de Basket Provence Basket éventuellement appelé à se produire dans la future Arena. « conflit d’intérêt » m’avançait-on ! Moi qui pensait qu’en la matière les intérêts étaient irrémédiablement convergents…

Ces trois expériences vécues éclairent d’un jour différent l’analyse des raisons qui ont pu conduire à cette incongruité historique d’un club considérant jouer ses rencontres à domicile à l’extérieur. Sans doute l’OM a-t-il été tenu à l’écart de toutes discussions relatives au stade, comme pour mieux le mettre ensuite devant le fait accompli : »pay or leave ».

Ceci étant posé, nous en venons à nous interroger sur ce qui constitue le cœur du débat. Un club comme l’OM doit générer quelques choses comme 50 m€ de partenariat privé et de billetterie. La perspective de bénéficier de 4.000 places de plus de relations publiques et de prés de 20.000 places de plus à destination du grand public pourrait générer, sur les bases des tarifs pratiqués dans le football français, une recette additionnelle de 20 m€ environ. Dans ce contexte, le paiement des 8m€ réclamés par la Ville devrait être analysé comme un investissement rentable par le Club. Certes ! Mais à condition que toutes les places supplémentaires proposées soient vendues et continuent à être vendues dans la durée.

Et nous touchons là de notre point de vue le nœud du problème. Pour pouvoir vendre ces places, encore faut-il que l’OM ait un plein contrôle sur la qualité des prestations rendues à ses publics. Dans un contexte de concurrence exacerbée par des références de plus en plus internationales et par une attente toujours plus aigue des clients qui accèdent par ailleurs à une offre expérientielle optimisée devant leur écran TV, cette question devient centrale. Est-ce que demain l’OM va pouvoir proposer à ces publics une offre de deuxième écran au stade vélodrome, soit la possibilité pour le public de revoir toutes les actions sur ces écrans portatifs d’i-pad et smart-phones ? Est-ce que l’OM va pouvoir proposer les solutions de billetterie dématérialisée à ses clients ? Est-ce que l’OM va pouvoir mettre en œuvre un système de paiement cash-less sur tous ses points de ventes buvettes et boutiques ? En d’autres termes, Est-ce que le nouveau vélodrome sera doté de toutes les dernières fonctionnalités technologiques ? Est-ce que tout le confort le plus moderne sera proposé aux clients des loges et autres espaces d’hospitalité ? …

Il est hélas à parier que l’OM ne le sache pas lui même. En effet, AREMA est l’exploitant du Stade. Filiale à 100% de Bouygues le constructeur. On ne peut donc douter de l’allégeance de l’exploitant à l’égard du constructeur. Et que les arbitrages budgétaires ne soient orientés que dans une logique de respect du prix convenu avec la Mairie plutôt que dans une logique de qualité de service rendu à des clients finaux qui ne seront « que » ceux de l’OM.

De tout cela il résulte, de notre point de vue, que la question centrale relative aux conditions d’entrée de l’OM dans le nouveau vélodrome ne tient pas seulement, et pas tant, au loyer à payer mais au contrôle de l’exploitation du stade. Et les principes auxquels il conviendrait à nos yeux de tordre le cou tiennent à ce que les clubs résidents ne devraient plus être tenus en dehors des discussions relatives à l’élaboration des cadres des PPP, mais bien au contraire y être pleinement associés, dés les premières étapes. Faute de quoi nous répliquerons les scénarios par lesquelles les clubs entrant dans de nouvelles enceintes s’y trouvent trop vite étranglés. Les dirigeants du Mans, de Valenciennes, voir de Lille savent de quoi nous parlons.

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